1845-1924 **** La Bonne Chanson* (version avec quintette à cordes et piano). 14 mélodies. Nicky Spence (ténor), Julius Drake (piano), Tim Gibbs (contrebasse)*, Quatuor Piatti*. Hyperion Ø 2023. TT : 58'. TECHNIQUE : 4/5
Certains spécialistes de Fauré estiment, non sans raison, que La Bonne Chanson, cycle mettant en musique neuf poèmes de Verlaine, représente le sommet de son corpus mélodique. De fait, le compositeur conjugue dans cet opus de la maturité (1892), le plus vibrant lyrisme et un raffinement harmonique poussé, utilisant même d'une manière toute personnelle le principe wagnérien du leitmotiv. Vocalement, on se situe très loin de la mélodie de salon : les grands intervalles, les tensions de la ligne de chant réservent ces pages à des professionnels aguerris, pianistes et chanteurs. Le ténor britannique Nicky Spence a choisi l'accompagnement pour quintette à cordes et piano, une formule que Fauré n'appréciait qu'à moitié mais qui apporte à La Bonne Chanson un supplément de volume et de nuances. Citons, parmi les interprétations réussies dans cette même configuration et toujours accessibles, celle de Karine Deshayes avec l'Ensemble Contraste (Zig-Zag), et celles plus anciennes d'Anne Sofie von Otter autour du piano de Bengt Forsberg (DG), Ian Bostridge avec les Belcea et déjà Julius Drake (Warner). Nicky Spence mobilise une technique de haute-contre à la française, à l'émission claire, avec des moyens suffisamment solides pour affronter les passages les plus ardus (il a tout de même chanté Siegmund ou Peter Grimes). Si la prononciation est soignée, elle n'a pas tout à fait la netteté et l'aisance d'un Bostridge, qui mettait aussi plus de relief et de souplesse dans l'expression. Le vibrato parfois un peu lâche sera affaire de goût.
Jacques Bonnaure