Le Figaro - Kamel Daoud : « En Algérie, je suis un traître, en France un “mauvais Arabe” »

Ciblé par deux mandats d’arrêts internationaux émis par l’Algérie et par de multiples plaintes, mais aussi par les attaques des médias de gauche, Kamel Daoud brise le silence en exclusivité pour « Le Figaro ». Les procédures qui le visent, comme la campagne de presse qui les accompagne, dépassent, selon lui, son cas personnel et révèlent une double tragédie, algérienne et française.

J’ai l’impression qu’on me reproche de ne pas être un “bon Arabe”, c’est-à-dire un Arabe victimaire, qui vit dans la haine de la France », lance-t-il d’emblée. Kamel Daoud s’exprime calmement, mais on devine chez lui une rage contenue. Il nous a donné rendez-vous tôt le matin dans un café parisien, mais il aurait préféré ne pas avoir à répondre à nos questions. Cela fait des mois qu’il refuse nos demandes d’entretien, à l’exception de celles qui portent sur la littérature. L’écrivain avait choisi de rester à distance de l’affrontement politico-diplomatique qui oppose son pays natal et son pays d’adoption, sauf pour défendre son ami Boualem Sansal, embastillé en Algérie. De s’astreindre à la sphère littéraire, de ne pas s’étendre dans l’espace médiatique. Pour ne pas réveiller les radicalités. Pour ne pas s’enfermer dans un rôle de polémiste ou de militant. Daoud a toujours veillé à ne pas se laisser définir par ses origines ou son statut d’exilé. Avant d’être algérien ou français, avant d’être exilé, il est écrivain. Sa vraie carte d’identité reste la littérature. C’est pourquoi, il a d’abord choisi de s’exprimer à travers un « tract », Il faut parfois trahir, publié ce 8 mai chez Gallimard. Mais la pression du régime algérien et du tribunal médiatique français était telle qu’il a finalement choisi de briser le silence en exclusivité pour notre journal : « C’en était trop. Les attaques sont si lourdes qu’elles m’obligent à rétablir la vérité. »

Alexandre Devecchio